Au moment de sa parution, Liver (Jean-Robert Bisaillon) s’était mis dans la tête de ne pas publier les paroles de l’album Légitime Démence pour en forcer l’écoute attentive. Pas sûr que cela ait été une très bonne idée… Voici le texte de la chanson titre pour souligner la publication de l’album sur les plateformes de streaming.
Légitime démence (Gauthier/Bisaillon/Miron)
Quand c’est trop vrai pour être beau… Quand chaque seconde engendre un drame, quand l’seul espoir c’est l’au-delà Quand même la haine devient aveugle, quand l’mendiant quête l’indifférence Quand l’bonheur se poudre au quart d’heure, quand des mots ne veulent plus rien dire Quand la mort partout est bien vivante, quand le délirium est très mince Quand les valeurs sûres ont meilleur goût, quand faut toujours faire comme tout l’monde Quand faut toujours faire semblant, quand l’univers est désuni Et quand l’horreur est humaine, quand tous les choix sont impossibles Quand la méfiance est quotidienne, quand on se fie sur des comptables Quand ç’a plus d’crisse de bon sens, quand rire n’est même plus drôle Quand ton cerveau sent l’eau de javel, quand on peut plus dormir en paix Quand se saouler est nécessaire, quand les lendemains puent les remords Quand les présents ont jamais tort, quand on veut plus rien savoir Quand l’amérique reste muette, quand la raison perd l’équilibre Quand on sait juste ce qu’on veut pas, et quand on s’arrache « Faces of Death » Je m’accumule au pied d’un mur / à panser toutes mes blessures Mais j’aurais juste le goût d’m’enfuir / et d’mettre à vendre tous mes souvenirs Partir et jamais revenir / j’ai pas frappé le premier Moi je vous tire ma révérence / je plaide légitime démence… Quand ton lit est toujours vide, quand on se crosse au téléphone Quand des enfants se prostituent, quand des adultes sont consentants Quand on met les vieux aux vidanges, quand on a peur de l’inconnu Quand on veut pas être dérangé, quand on sait plus qui est idiot Quand faire autre chose c’est faire scandale, quand on tolère l’intolérable Quand le jour fait plus peur que la nuit, quand y’a un gourou pour tous les débiles Quand on se vante d’être corrompu, et quand on se suicide à temps partiel… Je m’accumule…
L’intérieur du livret est un clin d’œil à Meddle de Pink Floyd. Le quatrième membre est remplacé par une résistance électronique, symbole d’une « machine ». On souligne la présence dans les crédits de Éric Goulet des Chiens et Monsieur Mono, de Yves-François Blanchet, aujourd’hui chef du Bloc Québécois.
Le contenu de ce deuxième album est composé et pré-enregistré au local de répétition du groupe au 990 rue Atateken (anciennement Amherst), les prises de son terminées et l’album mixé par Éric Goulet, assisté de Pierre Girard, au studio Victor. Pour le groupe, c’est son projet le plus achevé. Plus…Lire la suite
Mais ne nous méprenons pas, si le train bleu des French B sent le peuple et la pluie, il n’en est pas moins riche.
Le train bleu est la seule pièce de French B écrite paroles et musique par Liver (Jean-Robert Bisaillon). Elle ferme l’album s/t de 1991 qui fera l’objet d’une réédition vinyle à l’automne 2021. 30 ans plus tard… Il y a eu d’autres trains bleus. On pense à l’Orient Express, parfois rebaptisé ainsi, mais il s’agissait plutôt du Calais-Méditerranée-Express, le train emprunté par les anglais friqués pour fréquenter la Côte d’Azur. Il existe aussi le chic restaurant de la gare de Lyon à Paris, ou encore la très belle chanson de 1997 de Jean-Louis Murat, postérieure au train bleu de French B. À ces manifestations de grande classe autour du train bleu, nous proposons celle d’un modeste train bleu du quotidien, celui du Métro de Montréal.
Mais ne nous méprenons pas, si le train bleu des French B sent le peuple et la pluie, il n’en est pas moins riche. Il est la vie avec ses beautés et contradictions. En ce qui concerne la musique, la chanson rompt avec l’électro-rock en proposant une signature rythmique décalée en ¾… Un valse pour un groupe corrosif. Plusieurs sonorités, incluant celles du beat-box et l’orgue qui joue le solo de la fin sont en fait des sons repiqués par échantillonnage dans le Métro de Montréal. Bisaillon avait envisagé mettre sur pied un projet en danse contemporaine dans le Métro quelques années auparavant et les sons créés pour ce projet, qui n’a pas vu le jour, ont été récupérés pour Le train bleu.
Le train bleu
Je marche dans les veines de ma ville
l’air est rare
Je croise plein de visages
si vides de regards…
Le train bleu s’arrache au sol
et nous sommes emportés
Jeunes et vieux un peu perdus
perdus entre les deux…
J’ai jamais vu plus belle valse
de corps collés, de corps serrés
Nos vêtements mouillés sentent la sueur, la laine…